Équipe

Clara Rigaud

Clara Rigaud Clara Rigaud aussi

Parcours

Recherche & DIY

Métier
Développeuse-Chercheuse
Diplômes
Docteure, Interaction Humain-Machine (IHM), Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique
Master informatique, Environnements interactifs, Simulation Multiagents, Informatique Graphique, IA pour la Robotique, Sorbonne Université
Licence, Mathématiques, Informatique, Sciences Cognitives (MIASHS), Université de Bordeaux
DUT, Métiers du Multimédia et de l’Internet, IUT Bordeaux Montaigne
Baccalauréat technologique, Electrotechnique, Lycée technique Galilée, Vienne
Cofondatrice
RandomPixelOrder
Publications
Exploring Capturing Approaches in Shared Fabrication Workshops: Current Practice and Opportunities
Automating Documentation Considered Harmful (Some of the Time)
From the Makerspace to the Web: Creating Knowledge Resources from Fabrication Activities
Code the Globe: Interactive Content for Spherical Displays with simple Webpages

Identité

J’ai 30 ans, je vis à Paris, mais je suis née en Région Rhône-Alpes, à Givors, précisément. J’ai grandi sur une petite colline entre Givors et Vienne, un peu loin du monde. J’ai d’abord fait une première seconde, que j’ai ratée, une deuxième seconde, que j’ai ratée, et après on m’a gentiment proposé d’aller à “l’autre lycée”, au bout de la ville, au milieu des concessionnaires auto, le lycée technique.

Là j’ai réalisé que je n’avais pas envie de devenir électricienne, mais il y avait un côté très concret qui me parlait et c’est là que j’ai pris goût à l’informatique. Je faisais de l’électrotechnique. J’ai appris à programmer des grosses machines avec du courant triphasé, et puis des tapis roulants avec des Automates Programmables Industriels. On les contrôle en Grafcet1, c’était ma découverte de l’algorithmique.

J’avais déjà une culture du bricolage par mon père : si c’est cassé, on démonte, on regarde comment ça marche et on répare. Au collège, je réparais les casques audio de tout le monde ! Ça se cassait tout le temps alors qu’il suffisait de démonter et de refaire la soudure. C’est vraiment venu comme ça, très simplement, juste parce que je savais souder.

J’avais un prof d’automatisme, Nicolas Maurin, qui avait mis ses cours sur un site Internet qu’il avait fait lui-même avec Joomla, et ça m’a donné envie d’apprendre à faire des sites. Comme je faisais beaucoup de musique, j’ai fait un site pour mon école de musique. Je jouais de la basse dans un petit groupe de reprises. Nirvana, Rage against the machine… Je me rappelle avoir chanté Killing in the name devant le Temple d’Auguste et de Livie pendant un festival à Vienne ! Je parlais pas du tout anglais, c’était tout en yaourt, épique…

Fais comme à Givors. Je crois que je maintiens la réputation.

J’ai découvert HTML et CSS en mode bricolage, et j’ai trouvé le DUT SRC (Diplôme Universitaire de Technologie Services et Réseaux de Communication) qui mélangeait de l’informatique et des trucs cools. On est en 2012, Clara a 18 ans, elle postule sur Admission Post-Bac au DUT SRC de Bordeaux, et elle est acceptée. C’était le début de la vie seule et aussi de la responsabilité d’adulte. Mes parents me payaient un appartement, donc je leur devais de ne pas faire n’importe quoi. Je pars avec l’idée de faire deux ans, et après, on verra… mais au moins c’en sera fini avec les études.

À l’IUT, j’étais un peu outsider, mais je me sentais plutôt bien. J’ai pas mal fait la fête et aussi appris plein de trucs. En première année, j’ai fait un stage passionnant avec une sorte de génie punk, avec de la Kinect, de la robotique, ça faisait le lien entre l’informatique et les machines physiques.

En deuxième année, le drame, une fausse boîte avec un type tout seul qui faisait le design de sites Web à la chaîne, toujours la même typo. Je n’avais rien contre la Century Gothic, mais j’ai senti rapidement que quelque chose clochait. Il ne savait pas coder, et enchaînait les stagiaires pour avoir de la main d’œuvre gratuite. Comme il ne savait rien faire en code, je me débrouillais toute seule avec WordPress, et j’apprenais beaucoup. Ça m’a permis de savoir que je ne voulais pas non plus faire ça comme métier.

J’ai fini l’IUT, mais je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. Pour la première fois, quelqu’un m’avait dit que j’étais intelligente, et comme je m’intéressais beaucoup aux sciences cognitives, je me suis inscrite en L1 MIASHS. Je n’ai pas été acceptée à Bordeaux et je me suis retrouvée à Grenoble, et là j’ai très bien réussi. Le cadre était tellement austère que je n’avais que le travail, aucune distraction. Je suis revenue à Bordeaux pour la deuxième et la troisième année.

C’était le début du collectif Random Pixel Order2, que j’ai cofondée avec Jay Cartis3. Ce que j’apprenais à l’Université, je le mettais en œuvre dans un contexte artistique avec le collectif, que ce soit dans des installations, des festivals ou des fanzines. Dans le cadre de l’enseignement de Patrick Reuter, j’ai créé le site Web du festival de micro-édition Zinefest, notamment l’expérience interactive de dessin collectif Zinternet4. C’était ma première application JavaScript, ça permettait de dessiner à plusieurs, et il y avait une base de données pour conserver toutes les productions, et des outils de publication automatique sur Tumblr.

Patrick m’a alors proposé un stage à l’Inria, pour travailler sur une interface sphérique : un écran tactile sur une boule, avec une projection par l’intérieur. J’ai contribué à écrire un framework permettant d’utiliser ce périphérique sans se préoccuper des transformations azimutales. J’ai beaucoup aimé l’Inria, ça a été ma première expérience de publication scientifique5, ma première expérience de réalité virtuelle, ça m’a motivée à continuer les études.

J’aimais designer des trucs et coder des trucs. Et j’avais déjà une fascination pour la nature et la façon de s’en inspirer en informatique : bio-informatique, algorithmes évolutionnaires, insectes sociaux, réseaux de neurones, jeu de la vie… J’ai trouvé un Master à la Sorbonne qui traitait ces sujets avec un angle Interaction Humain-Machine (IHM), ça semblait parfait ! En fait, c’était un peu trop d’algèbre à mon goût, mais c’était très intéressant. C’est là que j’ai appris à coder des shaders en WebGL. Le cours d’IHM avec Gilles Bailly6 m’a passionnée, et il m’a acceptée en stage à l’Institut des Systèmes Intelligents et de la Robotique7.

J’ai toujours été sur un fil avec les études. J’ai vraiment eu beaucoup de chance que de nombreuses personnes me fassent confiance, malgré des résultats scolaires pas toujours à la hauteur. Si toutes ces personnes ne m’avaient pas acceptée comme j’étais, je crois que je n’aurais pas pu faire ce que j’aime. Gilles m’a parlé d’une de ses doctorantes, qui travaillait sur la réalité virtuelle (VR) et la robotique. J’étais aux anges !

J’ai fait du traitement d’image en temps réel avec OpenCV8, des décors en VR, autour du sujet de l’haptique : comment donner la sensation du toucher, de la résistance, du poids, alors qu’il n’y a rien de réel ? J’ai aussi travaillé avec Benoit Geslain et Flavien Lebrun sur les illusions. Il y a toute une littérature en réalité virtuelle à propos de l’impact de la prédominance visuelle sur la perception du réel. C’était passionnant !

À l’issue du stage, Yvonne Jansen9 m’a proposé une thèse. J’étais complètement déstabilisée. J’avais l’impression de ne pas bien y arriver, je ne savais même pas si j’allais valider mon Master, et je n’avais jamais pensé faire une thèse. J’ai eu peur qu’Yvonne se soit trompée de personne tellement ça me paraissait improbable. Elle m’a dit, Tu vas les avoir, tes rattrapages ! Et je les ai eus. J’ai même eu une mention Assez bien !

La thèse a été difficile, en plein pendant les confinements. J’ai appris ROS10 et je me suis vraiment plongée dans la robotique. J’ai construit un système expert de reconnaissance d’images permettant au robot de ne pas tomber, avec OpenCV. Puis Yvonne a imaginé Capush, un système très axé sur l’utilisation de caméras pour sédimenter la connaissance dans les fablabs, et ça a constitué le cœur de mon travail de doctorante. Ça a été à la fois très riche et très dur, cette période d’isolement a été éprouvante pour tout le monde je crois.

Le 15 juin 2023, je soutiens, je vois la fierté dans le regard de mes parents et je suis heureuse que ce soit fini. Je suis épuisée, et j’ai besoin de digérer, alors je fais de la menuiserie. Pendant six mois.

Fierté

J’ai fait ma mezzanine sur-mesure avec des matériaux de récupération, avec mes mains ! La récupération, c’était d’abord parce que je n’avais pas d’argent, une vision prolo avant d’être écolo. C’était un retour à la matière, sans ordinateurs, sans robots, juste du bois et ma scie circulaire Sissi. J’ai fait tous les tenons et mortaises à la scie à main, puis je me suis dit qu’à presque 30 ans, j’avais le droit de m’offrir une scie circulaire sur Le bon coin, une Makita, pas n’importe quoi.

Si t'as pas de scie circulaire à 30 ans, t'as raté ta vie.

Ensuite, RandomPixelOrder. On avait envie de faire de beaux objets, et différentes manières de faire des choses avec l’informatique. Le côté génératif et bio-inspiré m’a toujours fascinée, et les techniques de création visuelle expérimentales comme le glitch étaient trop limitées aux écrans. L’idée était de fabriquer des objets physiques à partir de ces esthétiques numériques.

On était entre deux niches, la micro-édition et l’art numérique expérimental. En 2015 c’était vraiment pas courant, on était très tranquilles… Le projet Screenshot était surtout de la curation, qui permettait de rencontrer plein de gens passionnants, et qui ont permis d’organiser des soirées avec du VJing, des performances. On a fait la dernière à L’international, de onze heures à cinq heures sur deux scènes, c’était vraiment drôle.

Enfin, je suis fière de l’exposition à l’ebabx11 avec le collectif Athanor12. Nous avons créé l’intérieur d’un vaisseau spatial qui revenait d’exploration, avec des fresques, des projections et une installation physique pour le poste de pilotage. Beaucoup d’Arduino, de la synthèse sonore, c’était un grand plaisir de la fabriquer et de voir les gens jouer avec. J’adore ça, construire quelque chose qui fait plaisir à d’autres.

Qualité

Le travail bien fait, pour moi, c’est quand je me fais plaisir à le faire. Sinon, je ne le fais pas. La première caractéristique du travail bien fait, c’est que quand tu le regardes des années plus tard, tu le trouves toujours bien fait. Il survit au temps. C’est aussi un travail pendant lequel tu apprends, qui te transforme. C’est un travail qui a du sens, qui touche d’autres personnes. Il faut que le puzzle soit complet, et que je me sente à ma place dans l’ensemble. Souvent, je prends la place que personne ne prend.

Je n’ai pas de place attribuée dans un projet. Je touche à tout, et en général, je viens combler un manque. J’ai toujours été la weirdo, dans un domaine ou dans l’autre, celle qui est ailleurs, dont on ne comprend pas bien ce qu’elle fait ou ce qui l’intéresse. C’est peut-être la première fois de ma vie que je ne me sens pas étrange, c’est trop bien.

Le projet parfait, c’est un projet avec des gens complètement dingues, passionnés par ce qu’ils font. Des gens qui savent faire des trucs incroyables et qui m’apprennent des choses nouvelles. Un projet dans lequel moi aussi je peux apporter du savoir-faire.

Curiosité

J’aime l’eau et la nature. J’ai passé beaucoup de temps en ville, et je sens que j’ai besoin de temps plus long, avec des animaux. J’ai fait beaucoup de voile, enfant, et je peux passer des heures toute seule à crapahuter dans les cailloux ou avec un masque et un tuba, pour observer les trucs colorés qui bougent. J’aime énormément ce que je fais, et je pense qu’à un moment je le ferai plus près de la mer.

J’apprends en suivant ma curiosité et ma passion. Comme pour les shaders, je n’ai pas eu de cours de shader, j’ai vu quelqu’un faire des trucs incroyables, j’ai eu envie de le faire et j’ai appris.

noesya

C’est le seul endroit où j’aurais pu travailler. J’ai l’impression d’avoir trouvé de l’éthique, des sensibilités. Je comprends les gens de l’équipe, il y a un socle. Les versions de moi se rassemblent, tout se connecte, c’est assez incroyable.

C'est la première fois que je ne suis pas chelou.

C’est aussi la première fois que j’ai un salaire et de l’argent. Je vais pouvoir m’acheter des pulls et aller chez le coiffeur. J’ai une liste des choses que j’ai envie d’acheter avec mon premier salaire : une poubelle, un porte-savon… J’ai de grandes ambitions. Blague à part, je vais pouvoir aller au théâtre, voir des concerts à la Philarmonie, profiter de la richesse de Paris ! Et puis Billy, mon chat, va avoir des super croquettes.